Les formes, quelles qu’elles soient, anciennes, moins anciennes ou modernes, sont « codifiées ».
Autrement dit, la suite de mouvements est toujours la même. C’est ce que le maitre du style ou de l’école a prévu pour des raisons qui sont les siennes et qu’il n’y a pas à remettre en question.
Ainsi, il n’y a pas de place pour la « personnalisation » de formes : je ne décide pas de commencer par le milieu ou d’inverser les mouvements ou d’en rajouter un ….
On parle de « personnaliser » une forme au sens où, une fois apprise, « digérée », et pratiquée sur le long terme, chacun d’entre nous y mettra de soi, et chacun ayant une perception différente des techniques, la forme deviendra la nôtre, parce que nous y seront rentrés en profondeur. Cela ne signifie pas qu’il faille changer les techniques ou l’état d’esprit fondateur du style ou de l’école. Cela signifie simplement qu’elle va nous ressembler.
Xiao Long est parfois surpris (on peut même dire désagréablement surpris !) des libertés prises par certains à l’égard des formes. Le pauvre Dragon a vu des formes « customisées » bien loin de la forme initiale et s’il n’était d’un tempérament plutôt serein, il se fâcherait tout rouge et laisserait échapper quelques flammes…
Mettre des explosions de force (fajin) là où elles ne sont pas prévues ou dans une école qui n’en a pas, casser le rythme où il devait être fluide à l’origine, ôter les caractéristiques d’un style pour l’adapter à un autre, faire la 24 en speedant pour en faire une forme rapide, mélanger le Yang, le Chen, le Wudang histoire de faire joili… c’est un peu trop de « personnaliation » !
Mais, où va-t-on ?
Aurait-on idée de rajouter du rouge sur les « tournesols » de van Gogh parce qu’on les trouve trop jaunes? Des bras en plastique à la Vénus de Milo ? Un refrain pop à une symphonie pour l’égayer un brin?
Qui serions-nous pour nous le permettre ? Il y a moins de maitres qu’on pourrait le penser.
Respect et humilité, voilà ce qui devrait nous animer face aux formes qui nous sont léguées. Une forme est une œuvre. Elle a été pensée. Une forme a un équilibre, une harmonie, une cohérence qui lui est propre. On ne peut la lui enlever.
…. Et la sensibilité artistique alors, me direz-vous ? N’a-t-on pas le droit d’interpréter les choses comme on le sent ? « Interpréter » oui, déformer, non !
Ben, non… si je n’aime pas une chanson, je la laisse et j’en écoute une autre. Si je n’aime pas un tableau, j’en regarde un autre.
Ouais, un vrai coup de gueule de Dragon !!! (Ils sont rares… car ce brave Dragon est patient et compréhensif le plus souvent !)
Xiao Long est d’avis que si une forme existante ne vous plait pas, il faut changer de maitre, de style, d’école, de discipline… mais ne changez pas la forme !
Ou bien alors, en cohérence avec votre style, votre école, créez votre propre forme, la vôtre, selon vos critères en respectant les principes de base. Cela peut être très instructif et de nombreuses questions surgiront, sur la logique d’un enchainement, le choix dans la suite des techniques, les transitions de l’une à l’autre… pour aboutir à une certaine harmonie, à un équilibre.
Partez de rien, juste de vos connaissances techniques, de votre « feeling » et prenez les choses du début, à votre façon. Ce sera la vôtre et non une distorsion de l’existant, une création.
Car le plus douloureux (Xiao Long en pleurerait !) est de voir exécuter une forme que vous connaissez, appréciez et pratiquez, vidée de sa substance, déformée… incomprise.
Apprécions nos formes, pratiquons les, mettons y tout notre cœur-esprit.
Respectons-les ainsi que leurs précieux créateurs.
Enseignons-les le plus fidèlement possible en gardant un esprit d’ouverture, car cela est important- mais sans dispersion.