Au milieu de la casserole,
Parmi les patates –
Le clair de lune
Morikawa Kyoroku
Au milieu de la casserole,
Parmi les patates –
Le clair de lune
Morikawa Kyoroku
Dans le gout mordant du radis
Je sens
Le vent d’automne
Matsuo Bashô
Haïku… Qu’est-ce que c’est ?
Il s'agit d'un petit poème extrêmement bref, visant à exprimer la fugacité des choses. C’est une sorte de « concentré » de sensation, d’émotion, de simplicité, d’évidence et d’humour parfois qui vous laisse dans un premier temps souvent perplexe.
Il nécessite le détachement de l'auteur qui va droit au but, s’exprime sans détours. C’est un instantané : le haïku ne se « travaille » pas, il saisit le moment présent –déjà passé-(!!?), il est rapide et concis.
Il doit évoquer plus que décrire, on ne rentre pas dans les détails. Pour l’apprécier, on préfère l’écouter, lu à haute voix et en une respiration (d’où l’intérêt de sa brièveté…). On peut ainsi en au mieux capter la vitalité et l’éphémère. C’est un poème « origami », que l’on regarde, que l’on déplie lentement pour découvrir ce qu’il y a à l’intérieur. Humble, mais profond.
Ce poème obéit à quelques règles et une des règles du haïku (qui saisit l’évanescent) est le kigo : « mot de saison », une référence à la nature (le durable) ou un mot clé concernant l'une des quatre saisons, le jour de l’an figurant une saison à part entière ! On y trouvera donc, des cerisiers (printemps), des hannetons (été), des roseaux (automne) ….
Pivoine d’hiver
Les pluviers doivent être
Un coucou dans la neige
Matsuo Bashô (1644-1695)
Si l’image le plus souvent parle d’elle-même… elle peut en cacher une autre…
Et ça vient d’où ?
Le haïku est un terme créé par le poète Masaoka Shiki (1867-1902). On attribue la paternité de cette forme poétique d’origine au poète Bashô Matsuo (1644-1694).
Cela signifie-t-il que le haïku est d’origine japonaise ? Pas si sûr… car il semble que Bashô ait lui-même fait allusion à l’origine chinoise de cette forme poétique :
« Quant au haïkaï de Chine
J’interroge
Le petit papillon qui voltige »
Bashô, A Kyoto rêvant de Kyoto
Il serait ici question de Zhuang Zi (IVème siècle avant JC) lorsqu’il raconte son rêve et sa confusion (rêve-t-il qu’il est un papillon ou le papillon rêve-t-il qu’il est Zhuang Zi ?).
Yuan Ming (365–427) proposait :
Les nuages
Sans intention
Surgissent des cimes des montagnes
Wang Wei (701-761) écrivait:
Au printemps l'étang est large et profond
J'attends le retour de la barque légère
Lentement, lentement, les lentilles d'eau se rassemblent
Le saule pleureur les balaye, à nouveau les éparpille
Tung Po ((1023–1089) a composé :
Adossé à un vieux saule
Quelqu’un vend
Des citrouilles jaunes
On ne peut nier l’influence de la Chine sur de la culture actuelle japonaise. Certains peuples chinois utiliseraient des caractères depuis -2500 (!!!) et l'assimilation de l'écriture, chinoise, par les japonais ne commence qu'au IVème siècle.
C’est avec l'écriture qu’arrive la poésie. Mais si l’esprit haïku est né en Chine, c’est bien au Japon qu’il a trouvé son aboutissement et c’est là que cette forme très particulière a prospéré.
Le vieil étang
Une grenouille qui plonge
Le bruit de l’eau
Bashô
(En V.O :
furuike ya
kawazu tobikomu
mizu no oto)
Les Chinois n’ont cependant pas jeté l’éponge… La langue chinoise qui ne manque pas de caractère(s)… (D’accord, elle est facile… mais comment résister…) se plie cependant bien au haïku et Ying Chen, poètesse contemporaine, en a écrit quelques-uns.
Ying Chen est née en Chine, mais vit à Vancouver. Elle a étudié Les Lettres françaises à Shanghai et à Montréal et vient souvent à Paris. Elle nous propose :
Terrasse vide
Des voitures passent
Le vent arrive
Entre les nuages
Et les vagues, parfois
Aucun bateau ne passe
Une pluie fine
Chaque maison est une île
Le reste est la mer
La pluie apporte
Le son d'une cloche
Dimanche chez nous
Ying Chen
Haïkus écrits en chinois, traduits en français par l'auteur.
Bien sûr, pour apprécier pleinement, il vaut mieux lire/écouter la version initiale: la traduction est difficile, car si elle peu rendre l’impression globale, il est difficile d’y reproduire les mêmes sonorités, et on y perd certainement quelque chose…
Attention, les haïkus sont comme les excellents chocolats, il ne faut pas tout engloutir d’un coup, mais prendre le temps de les apprécier avant d’en prendre (délicatement) un autre ! Ils invitent à prendre conscience de petits riens, d’évidences ,auxquels on ne prête pas, ou plus, attention.
La langue japonaise et la langue chinoise se prêtent donc merveilleusement à cet exercice et il est plus délicat de composer un haïku en français, le flou, l’ambiguïté est plus difficile dans notre langue « compliquée » d’articles, de conjugaisons… plus avide de ponctuations diverses…
Nous sommes plus dans la longue phrase à la Proust que dans la brièveté du haiku…
Si la plume vous démange cependant ...
Elle tombe et tombe
la feuille du paulownia
aux rayons du soleil...
Takahama Kyoshi
Dans le mouvement
Des grandes carpes
Flamboient les sommets d’automne...
Mori Sumio
Le Bouddha m'accorde
un peu de temps -
Je fais la lessive...
Ozaki Hôsai
Retombé au sol
Le cerf-volant
A égaré son âme.
Kubota Kuhonta
1881-1926
Dans la plaine acidulée
un ruisseau ondule
miroitement du colza en fleur
Sôseki
Demandez au vent
quelle feuille tombera
la première
Sôseki
Couvert de papillons -
L'arbre mort
Est en fleurs !
Kobayashi Issa
Ce blog est a but non commercial, non lucratif. Il délivre des informations et des commentaires techniques et culturels pour les pratiquants de Tai Ji Quan et de Qi Gong ainsi que pour tous ceux qui s’intéressent à la culture asiatique.
Si vous voulez pratiquer le Tai Ji Quan ou le Qi Gong, allez sur le site de l'association Feng yu Long où vous trouverez toutes les informations nécessaires.
https://www.taijiqigongevreux.com/
.