Les arts martiaux sont une bien ancienne « invention »…
à croire que depuis la nuit des temps, la tentation est grande de taper sur son voisin ...
( « Je te dis qu’il est frais mon poisson ! »
« Naaan, il est pas frais ton poisson !!! » etc.)
On parle le plus souvent de techniques d’auto-défense, mais… si l’on doit se défendre, c’est peut-être bien parce qu’on a été attaqué… Bref, quelle que soit l’époque, quelle que soit la situation géographique, les arts martiaux sont présents.
Pour éviter une baston générale😡, il fallait donc canaliser cette force brute et en parallèle à ces diverses techniques de combat sont nés des codes, code d’honneur, code moral, vertus martiales… quels que soient leurs noms: il fallait des règles.
La plus ancienne tradition martiale remonterait à 3 000 ans avant notre ère. Le kalaripayat est apparu en Inde, dans la province du Kerala. On le considère souvent comme l'ancêtre commun des arts martiaux d'Asie. Les mouvements s’inspirent des comportements animaux et les enchaînements se combinent à des exercices respiratoires ainsi qu'à une parfaite connaissance des points vitaux.
D'après la légende, c'est le moine Bodhidharma qui a fondé la première école de kalaripayat au Sud de l'Inde, avant de prendre la direction de la Chine… où découvrant à Shaolin des moines affaiblis par leur pratique de l’ascèse, il développa une discipline associant corps et esprit, méditation et techniques guerrières, entraînements énergétiques et exercices pour préserver la santé.
De là serait né donc le Kung fu, mettant en avant la persévérance dans l'effort sur chemin de la perfection.
Dans nos disciplines, il est question de Wǔdé.
Avez-vous déjà entendu parler de Wǔdé ? Non ? Alors, il est temps de se pencher sur ce principe.
Le mot Wǔdé existe depuis quelques 3000 ans dit-on et dans les communautés anciennes, les dirigeants ne pouvaient être choisis que s’ils possédaient cette qualité.
"Wu" (武) signifie martial , militaire, arme, c’est le caractère que l’on trouve dans wǔ shù (arts martiaux) ; "De" (德) signifie vertu, moralité, coeur, bienveillance. Le plus souvent, on le traduit par « vertus martiales ».
Il n’est pas sans intérêt de souligner qu’elles sont fondamentales, même si à l’heure actuelle, on les évoque toujours – verbalement- on peut bien voir qu’en réalité, elles sont reléguées à l’arrière plan !
Ces règles nous viennent du bouddhisme, du taoïsme et du confucianisme et mettent au premier plan le respect, la bienveillance, la loyauté. Bien sûr avec le temps, les choses évoluent et peu à peu ces valeurs traditionnelles nous paraissent désuètes et il a fallu adapter le discours au monde moderne et à la diffusion des arts martiaux à travers le monde.
Ces qualités/vertus initiales et chevaleresques sont au nombre de six :
1, rén : bonté et bienveillance
C’est la plus élevée. Avoir un grand cœur et être bienveillant vis à vis de chacun. Les parents sont bienveillants, les enfants également, les amis entre eux, le professeur est bienveillant , l’élève également.
2 – yì = ordre
Il s'agit ici d’accepter la place qui nous revient dans une communauté. Professeur, élève, parents – enfants... C'est le respect implicite des règles de préséance tenant compte de la hiérarchie. Nous devons rester humbles, reconnaître nos limites et nos progrès.
3 – Li = politesse
Se comporter dignement, rester courtois, avoir une tenue correcte, cela est indispensable pour établir des rapports humains harmonieux, et encore plus dans le milieu des arts martiaux où la rigueur est de mise et où les règles sont strictes. Dans le milieu traditionnel des arts martiaux il est dit qu'avant la technique il faut d'abord connaître la politesse.(Ce qui peut éviter d’en venir aux mains??) Au quotidien, tous les pratiquants doivent adopter un comportement à la fois naturel, poli et correct.
4 – zhì = sagesse
A tout moment, il faut rester maître de soi, savoir discerner le bon du mauvais, le vrai du faux et décider de la bonne conduite à tenir. On l’avouera, ce n’est pas simple...
5 - zhōng xīn = honnêteté et loyauté.
La parole donnée doit être respectée jusqu'au bout même si cela est difficile, risqué. D'une personne sans loyauté, on ne peut attendre ni générosité, ni grandeur d'âme.
6 – yǒng qì = courage(s)
Le grand courage protège, vient en aide au plus faible, combat la violence, lutte pour défendre une cause juste et cela en toute circonstance. Il en va de même du "petit courage" mais celui-ci s'applique plutôt dans les cas personnels ou particuliers, l'amitié, par exemple.
On retrouve ce même code (bushido) au Japon, les même valeurs y apparaissent :
Les samouraïs respectent 7 valeurs incontournables : Gi : 義 le sens du devoir – Yu : 勇 le courage – Jin : 仁 la bienveillance, la grandeur d’âme" – Rei :礼 la politesse , l’étiquette , le respect – Makoto :誠) la sincérité, l’honnêteté – Meiyo : 名誉 l’honneur et enfin Chugi : 忠義 la loyauté.
Même si ces valeurs semblent appartenir à un lointain passé, les arts martiaux devraient les mettre en avant et les pratiquants s’en inspirer et ne pas les glisser si souvent sous le tapis- tatami ?.
L’idée de base était de poser un idéal clair. Selon cette philosophie, le pratiquant travaille sérieusement et assidûment, il donne une image honorable de la personne, de la discipline, il respecte les professeurs, les partenaires, les adversaires, il sait partager avec les autres, communiquer. Il respecte les règles et reste serein sans dénigrer les autres (ou piquer une grosse colère quand l’arbitre le sanctionne par exemple.)
Mais...
Le milieu ses arts martiaux -chinois ou japonais- n’est pas si glamour… et les batailles d’ego sont bien présentes , on se croirait parfois dans une cour d’école… (C’est moi le plus fort, d’abord ! Na!).
Il serait souhaitable que ce code moral soit dépoussiéré et remis en vigueur car les arts martiaux pourraient être une belle école de vie.
Il est vrai que l’aspect compétitif, souvent développé à outrance dans certaines disciplines , surtout pour les enfants- encourage les dérives (« Vas-y, mors z’y l’oeil » dit le coach à son protégé !).
Dès qu’il y a un enjeu, il est plus difficile de rester « cool » ! (Ah, si mon « adversaire » pouvait se prendre les pieds dans ses lacets!🏆)
Pourtant ces disciplines pourraient trouver une place de choix dans les activités des jeunes en particulier (mais pas que...) en remettant à l’ordre du jour la notion de travail, d’apprentissage progressif et sur le long terme et non pas la victoire rapide et à tout prix et en soulignant la valeur du respect- de soi et des autres.
Trop de personnes à l’heure actuelle font du zapping ; si je ne réussis pas tout, tout de suite avec un minimum d’effort, je passe à autre chose. C’est une façon de faire où il ne peut y avoir d’acquisitions réelles, solides.
On retrouve le même phénomène en domaine scolaire. Pourtant se construire , c’est avancer pas à pas, découvrir, persévérer, accepter les échecs, les conseils, surmonter les difficultés, progresser.
🧘
« Le contact avec l'autre et le désir de comprendre ses valeurs entraînent seuls un respect sincère. Il faut apprendre à nous apprécier, à nous admirer les uns les autres ».
Dalaï Lama