C'est toujours la grosse question qui empêche de dormir (Non, même pas?!): "Qui a inventé le Tàijí quán alors?"
Ce serait plus simple de dire qui a inventé le téléphone ou qui a inventé le fil à couper le beurre (encore semble-t-il ne pas l'avoir inventé... pas malin!).
Et il est toujours aussi délicat, lorsqu'on s'aventure sur ces sentiers, de savoir où commence le conte, où s'arrête l'histoire véridique. Sans doute pourrait-on trouver un proverbe chinois pour affirmer que " Pratiquer sans curiosité, c'est pratiquer l'esprit libéré"?
Mais Xiao Long est un dragon curieux (et un curieux dragon aussi !).
Quoiqu’il en soit, quelques noms sont à connaitre …
La belle histoire de Zhāng Sānfēng
... Il est dit que Zhāng Sānfēng (张三丰, entre dyn. Song et début dyn. Ming ?), retiré dans la solitude de sa cabane et récitant les Classiques, fut interrompu soudain par un cri étrange.
A pas feutrés, il se dirigea alors vers la fenêtre, il se pencha et vit un oiseau, une grue. Immobile, elle scrutait un serpent lové au pied de l'arbre où elle avait bâti son nid.
L'oiseau tout à coup, poussa un cri et vola vers le serpent, gonflant ses plumes, battant des ailes, cherchant à le piquer avec son bec. Le serpent se dérobait toujours à ses attaques, esquivait, ondulait, ses glissements sinueux, fluides, en spirale le rendait insaisissable.
Zhāng Sānfēng décida de se rapprocher pour les observer, mais lorsqu'il atteignit le pas de la porte, l'oiseau et le serpent avaient disparus...
Avait-il rêvé?
C'est ainsi, dit-on, que Zhāng Sānfēng posa les principes fondateurs de ce qui deviendra le Tàijí quán: la souplesse prime sur la rigidité, le mouvement continu sur le mouvement saccadé, l'absorption sur la force de l'adversaire.
Le serpent et l'oiseau sont opposés et complémentaires, on peut y voir l'image du Yin et du Yang, ils peuvent symboliser les arts martiaux internes et externes et bien d’autres choses encore...
Il existe évidemment bien des versions et des variantes de cette histoire, on dit même que ce moine taoïste n'a peut-être jamais existé, mais la légende est belle et pleine d'enseignements et il n'y a pas que les enfants qui aiment les histoires...
Il serait le fondateur de l’école des arts martiaux du mont Wudang.
Nos origines :
Chén Wángtíng (陈王庭, 1600-1680) semble bien être celui qui crée le Tàijí quán, même s'il n'existe encore aucune théorie du Tàijí quán sur le papier, la technique est bien là ! Il se serait inspiré d’un ouvrage militaire d’un général (dyn.Ming).
Passionné d'arts martiaux et de littérature, Chén Wángtíng associe sa connaissance des techniques de santé, de la philosophie taoïste, de la stratégie militaire (il était commandant des garnisons du comté de Wenxian) pour inventer une nouvelle boxe caractérisée par des mouvements souples et fluides, combinés à de puissantes explosions de force.
A la recherche du mouvement logique et efficace, il crée quelques enchaînements (7 formes dit-on, une 108, un enchainement « poing canon », et encore 5 autres qui auraient été oubliés).
Tous les principes de base sont là: technique martiale, technique de respiration, circulation énergétique dans les méridiens, alliance Yin Yang...
Mais il faudra encore attendre un siècle avant que Wáng zōngyuè, 王宗岳, ne pose par écrit la théorie du Tàijí quán dans un traité (Tàijí quánlùn,太極拳論).
Le style Chen, dont découle le style Yang, est toujours largement pratiqué, mais demande une bonne condition physique si on veut réaliser fidèlement les mouvements vrillés, les sauts, les fājìn (explosions de force), les postures basses...
Le théoricien :
Wáng zōngyuè (1736-1796) est natif du Shanxi, il aurait vécu sous le règne de Qiánlóng,.
Selon les sources Wáng zōngyuè aurait fait halte à Chénjiāgōu et aurait appris son art auprès de la famille Chén... On affirme parfois qu’il aurait été le maître de Jiang Fa. D’autres documents attestent qu’il aurait, dans son vieil âge, été professeur dans sa propre école de Luoyang en 1791. On dit aussi qu’il aurait été actif encore en 1795 à Kaifeng… Difficile de s’y retrouver.
Une chose est sûre cependant: son livre le " Tàijí quán lùn ", autrement dit le "Traité sur le Tàijí quán ", a beaucoup contribué à la propagation du nom de cette discipline. Cette œuvre en constitue le fondement théorique, puisque pour la première fois des textes définissent la pratique de cette « boxe du faîte suprême ».
Sa thèse s’inspire avant tout du : Yì jīng, le bien connu « Classique des Mutations », le plus ancien traité divinatoire du monde, qui doit permettre à celui qui le consulte, de mieux comprendre l’ordre de l’univers, la situation qu’il vit lui-même et peut l’aider à prendre une décision, à déterminer sa conduite pour vivre en harmonie avec la Nature.
Au début, il y a le wújí, l’indifférencié, qui existe depuis toujours.
C’est le moment où dans la forme l’individu est statique : on est calme, on existe simplement, le poids est réparti également sur les deux pieds, il n’y a ni avant, ni arrière, ni gauche, ni droite, ni intérieur, ni extérieur.
De cette immobilité naît le mouvement. L’énergie circule dans le dān tián bien qu’il n’y ait pas d’action. C'est le Tàijí .
Dès le premier mouvement le Yin se sépare du Yang. Ils se distinguent dans la droite et la gauche, le haut et le bas, l’avant et l’arrière.
Ainsi se dessinent les 5 déplacements (wǔ bù, comme dans wǔ bù quán le petit enchainement que beaucoup d'entre vous connaissent... mais si, vous connaissez...) correspondants aux 5 éléments (wǔ xíng)) : le feu avance , l’eau recule , le bois regarde à gauche , le métal prend garde à droite , la terre occupe le centre.
Les déplacements s’orientent selon 8 directions (bā guà ) les 8 points cardinaux. On obtient les 8 portes (bā mén) qui correspondent à 8 techniques: parer (Peng), tirer (Lu), presser (Ji), pousser (An), emmener vers le bas (Cai), déraciner vers le côté (Lie), coup de coude (Zhou), coup d’épaule (Kao). C'est bien, vous n'avez pas perdu le nord...
Bref, c'est Wáng zōngyuè qui pose sur le papier les bases théoriques du Tàijí quán!
Quand le Tàijí quán s’adoucit :
Yáng lùchán (1799-1872) est connu comme le fondateur du Tàijí quán, de style Yang. Il n'a donc pas créé le Tàijí quán, puisqu'il apprit lui-même les techniques dans la famille Chén.
On dit que travaillant au service de cette famille, il apprit en secret les techniques en espionnant les cours de Chén. Découvert, il fit une démonstration de ce qu'il savait et Maitre Chén aurait été si impressionné qu'il aurait décidé de le prendre parmi ses élèves!
Plus tard, il se rendit à Běijīng enseigna à ses propres élèves puis à partir de 1850 (dynastie Qing), enseigna à la famille impériale et à quelques membres de la garde impériale mandchoue...
Toujours vainqueur des défis qu'on lui proposait, on le surnomma "l'invincible"!
Il fit évoluer la pratique, retira les "explosions de puissance"(fājìn), et réserva dans un premier temps l’apprentissage de ses techniques à quelques initiés.
Ce style n'a cessé d'évoluer, d'où l'existence d'écoles différentes, de pratiques différentes, de la "gymnastique santé" au ... martial.
Les pratiquants d'arts martiaux japonais ont pour coutume de saluer la photo du Maitre avant de commencer le cours: si nous devions en début de séance saluer un Maitre, ce serait sans Yáng lùchán puisque nous travaillons le style qui porte son nom... même si ses formes ont évolué au fil du temps et que les écoles se sont multipliées...
Voilà l’été et l’occasion de faire quelques révisions, n’est-ce-pas ?
Lever à 5 heures tous les jours et pratique avant le petit déjeuner !!! (Dépêchez-vous car bientôt, il fera franchement nuit à cette heure là (et aux suivantes jusqu’à 8h d’ailleurs…)
La forme du 8 mouvements (qui en compte plus exactement 10...) est une forme pédagogique intéressante à plusieurs titres:
Elle permet à tous, débutants ou non, de (re) travailler sur des bases incontournables.
Elle est courte et la concentration est donc simplifiée, on peut porter son attention sur l'écart de hanches, ou sur la respiration, ou sur la bonne verticalité du corps, ou sur les finitions, ou...
Il ne faut cependant pas sous- estimer cette "petite" forme, c'est une mine...
Elle est courte disions nous : il n'y a aucune excuse pour ne pas la faire chez soi!
Elle se fait quasiment sur place sans déplacements linéaires, on peut donc la faire chez soi! (bis repetita), et…
Elle est simple à retenir, on peut donc la faire chez soi tout seul!
Les mouvements se font une fois à droite, une fois à gauche: c'est une forme équilibrée.
Mouvement 1: l'ouverture QI SHI:
inspir : passer le poids du corps à droite, soulever le pied gauche en déroulant lentement le pied du talon vers la pointe, écarter expir : reposer le pied en déroulant de la pointe vers le talon, centrer le poids, basculer le bassin, s’installer
inspir : poursuivre en levant les bras, jusqu'au niveau des épaules (pas comme le petit chinois de l'image!),mains relâchées expir : redescendre, mains relâchées
jusqu'au niveau du bassin
... Allez-y, je vous regarde!
Mouvement 2
Voilà un mouvement avec un nom qu'on mémorise bien: "repousser le singe" (juan gong shi).
Nous avons fini l'ouverture en expirant, maintenant...
à l'inspir : faire descendre le bras droit relâché sur le côté, remonter à 45°, paume vers le ciel, on se sert de la taille pour gagner en amplitude, naturellement sans exagérer la rotation. Oui, mais... Oui, mais... que fait la main gauche pendant ce temps? La main gauche se place devant soi, au centre du corps, paume vers le sol et la main se tourne vers le ciel au moment où...l'autre main se tourne vers la terre (Heureusement, on n'a que deux mains...)
Expir : repousser le singe, la main droite glisse sur l'avant bras gauche pour repousser le singe, pendant que la main gauche s'efface et revient vers le côté gauche du corps. Les pieds ne bougent pas
Mouvement 3
Nous avons "repoussé le singe" c'est le moment de " brosser le genou"!
Et voilà qu'il va falloir s'occuper aussi de nos pieds (tranquilles jusque là!).
Tout est dans les pieds vous dira-t-on: ils assurent la stabilité de votre posture, il faut donc veiller à bien les placer dans les déplacements (latéraux pour le 8 mouvements ou linéaires pour les autres formes).
Le principe est toujours le même: en position finale, mon bassin doit être face à l'axe de déplacement et les pieds doivent respecter l'écartement naturel du bassin. Si les pieds sont trop proches, ou (pire!!!) sur la même ligne, ma base est instable (comme si on voulait faire tenir une pyramide, la pointe en bas... essayez, vous verrez, ce n’est pas gagné !).
Il est donc important d'apprendre à veiller sur ses pieds (sans pour autant les garder toujours à l'œil en baissant la tête... ils ne s'échapperont pas, promis!).
Bon, mais et le haut du corps alors?
... La main gauche "brosse le genou", la main droite pousse. En fin de mouvement et malgré ma "poussée", mon genou ne dépasse pas mon pied. Après avoir exécuté avec maestria un "lou xi ao bu" sur la gauche, il n'y a "pluka" en faire un de l'autre côté...
Mouvement 4
Une fois les "singes repoussés" et "les genoux brossés" et propres... nous pouvons nous occuper de notre monture (qu'il faut ménager, c'est bien connu!) et "séparer la crinière du cheval" (Ye Ma Fen Zong).
Nous venons de terminer un Lou Xi Ao Bu à droite, après une délicate transition où les mains glissent à l'horizontale, nous reprenons notre ballon, main droite en haut pour réaliser le Ye Ma Fen Zong du côté gauche.
Puis, transition à nouveau (la même mais de l'autre côté... c'est là que ça se corse!!!), je reprends mon célèbre ballon, main gauche en haut cette fois pour réaliser le mouvement à droite...
Il faut veiller à ne pas "écraser" ou rétrécir" son ballon et dérouler les mains, en les faisant glisser en diagonale lentement de façon à ce que le mouvement des mains finisse en même temps que le pied finit de se poser (toujours du talon vers la pointe) et s’ancre au sol.
Le corps est vertical, le regard horizontal, les pieds espacés de la largeur des hanches bien sûr, pour une bonne stabilité.
Pour éviter de devenir tout bleu, pensez à respirer, tranquillement, inspirant sur la préparation du mouvement (former le ballon), expirant sur le dérouler, la réalisation de la technique, tranquillement.
Mouvement 5
Nos genoux sont bien propres, nous avons consciencieusement caressé la crinière de notre cheval , voilà qu'à présent nos mains vont écarter les nuages. Yun Shou (nuage - main : prononcé un peu comme iuèn s(h)o ou) est un mouvement assez complexe, un de ceux où l'on a l'impression d'avoir trop de mains et de pieds pour arriver à synchroniser le tout... Mais mouvoir les mains dans les nuages, ça se mérite !
Les pieds: nous allons commencer par eux, ils se déplacent latéralement, le pied droit va se rapprocher du pied gauche (l'espace entre les deux pieds est d'un ... pied... à peu près), puis je déplace mon pied gauche sur le côté droit (c'est un peu comme un pas chassé, mais lent, tranquille). Je prends le temps de dérouler mes pieds à chaque fois que je les soulève (je décolle du talon vers la pointe) ou que je les pose (de la pointe vers le talon). Je me déplace ensuite de la même façon de la gauche vers la droite (le pied gauche se rapproche du pied droit, le pied droit se soulève et va se reposer un peu plus loin sur le côté. Accessoirement je n'oublie pas de respirer, ça peut aider!
Les mains: Elles se meuvent dans les nuages, souples... mais pas molles non plus !
Indescriptible... Surtout quand, après, il faut synchroniser les mouvements des mains et les mouvements des pieds...
Le regard suit le mouvement des mains. C'est un mouvement dans lequel la taille joue un grand rôle, c'est elle qui permet l'amplitude du mouvement. Et c'est un mouvement très agréable à faire (dès que l'on a plus à réfléchir à "oùske j'mets mon pied?" et "oùskell est ma main?"
Allez, je vous laisse un peu vous amuser... avant le
Mouvement 6
Après avoir bien dégagé le ciel de tous les nuages, voilà le coq. Ce coq d'or, Jin Ji (et non pas dort...) va se tenir sur une seule patte, Du Li, (comme un flamand rose!). Jin Ji Du Li va donc poser quelques problèmes d'équilibre.
Les pieds: A la sortie du mouvement précédent, je repasse en appui sur mon pied gauche, je m'y installe confortablement, je prends bien le temps d'ancrer mon pied au sol, puis avec la délicatesse qui nous caractérise, nous allons soulever le pied droit, monter le genou à angle droit, le pied naturel, relâché (pas de pied raide "en porte-manteau"!).
Puisque le coq a deux pattes, il va faire ensuite la même chose de l'autre côté: on redescend le pied droit qui va devenir mon pied d'appui et -quitte à se répéter-, on s'installe tranquillement, on s'enracine bien et... on lève le pied gauche. Voilà pour les pieds!
Les mains: Lorsque je termine mes "nuages", ma main droite est en haut, ma main gauche est en bas et, comme le dit le fameux proverbe de Xiao Long:
"Tout ce qui est en bas ira vers le haut et tout ce qui est en haut ira vers le bas, et vice versa"
donc la main gauche remonte au niveau du plexus, la main droite descend, puis à nouveau, la main droite remonte à la verticale, pouce vers soi alors que simultanément la main gauche redescend pour se poser du côté gauche.
Nous ne voyons là que les "extrémités", les mains. Et même si cela peut paraitre étonnant, elles sont rattachées aux bras, et les bras aux épaules, et les épaules au corps... si, si!
Ce mouvement prend son origine dans la taille, l'impulsion vient de là et pour le réaliser mieux encore, il n'est pas inutile d'avoir à l'esprit l'application martiale, qui nous poussera naturellement à avancer un peu l'épaule en finition...
Une autre difficulté pour ce mouvement: la bonne synchronisation du haut et du bas, pieds et mains finissent en même temps, la main qui se trouve en bas a souvent tendance à finir avant tout le monde... ou a rester un peu "vide", sans consistance. Voilà l'essentiel pour Jin Ji Du Li, il y aurait encore quelques détails... à voir sur patte (euh, sur place!)
Mouvement 7
Deng Jiao (à ne pas confondre pour les initiés à Fen Jiao où le pied est pointé...Ici, il s’agit du coup de talon), voilà le mouvement qui suit le Jin Ji Du Li . Et l'équilibre sera une fois de plus à l'ordre du jour...
Que se passe-t-il en bas:
Je termine le Coq et mon pied gauche se pose et s'ancre au sol, tranquillement (c'est du Tai Ji Quan, il n'y a pas le feu au lac!), je soulève le pied droit, genou plié, puis je déplie artistement (ben, oui !) pour donner mon coup de talon à 45°, avant de replier en douceur et de reposer le pied au sol. "Tout ce qui se fait d'un côté, se fait de l'autre côté" (vieux proverbe de Xiao Long), donc je reprends racine à droite pour donner mon coup de talon à gauche.
Élémentaire direz-vous en lisant ces lignes, mais... il y a un mais: il faut prendre le temps et être modeste. J'explique:
prendre le temps signifie ne pas zapper la phase où la jambe monte ou descend repliée. Si la jambe se soulève directement, le déséquilibre menace! On se sent partir vers l'arrière et on est pressé de retrouver le sol!
être modeste signifie que nous ne sommes pas aux "Folies Bergères" et qu'il n'est pas primordial de lever haut la jambe. Ce coup de talon peut viser les côtes, il peut aussi viser le genou ou le tibia, voire la cheville de l'adversaire, donc il n'est pas nécessaire de monter très haut. L'important est d'être stable et "confortable", sans douleur nulle part! Tai Ji Quan est synonyme de bien-être, de plaisir pas de douleur ou de corvée...
(Pour les "trucs" sur l’équilibre, revoir les articles sur le sujet dans la catégorie Tai Ji Quan)
Que passe-t-il en haut:
Au sortir du Coq, les mains se placent croisées devant le corps, paumes vers soi, main droite dessous, je monte les mains, la droite "portant" la gauche et naturellement (!) les mains se retrouvent paumes vers vous, main droite à l'extérieur ("Car la main qui était à l'intérieur se retrouvera à l'extérieur" encore un adage de Xiao Long)!
Les mains s'écartent, le bras droit à l'avant est placé dans la même direction que le pied droit (45°), le bras gauche à l'arrière, un peu plus haut que le bras avant, sert de balancier.
C'est le plus souvent le bras à l'arrière qui est un peu "vide", on a tendance à l'oublier et il se place un peu comme il a envie... souvent plus à côté que derrière, ou plus bas que le bras avant et ces petits "détails" n'aident pas à tenir l'équilibre.
Comme toujours, il faut ensuite bien synchroniser le mouvement du haut du corps avec celui du bas... Mais, il faut se réjouir nous approchons de la fin de cet enchainement et il n'y a plus d'équilibre sur un pied à réaliser!!! Et sur nos deux pieds, rien ne nous arrête!
Mouvement 8
Nous voilà arrivés à l'un des mouvements les plus riches de cet enchainement: Lan Que Wei 揽雀尾 (saisir la queue de l'oiseau ou du moineau selon les traductions finalement plutôt fidèles puisque Lan signifie serrer, attacher; Que: moineau, oiseau et Wei: queue, bout).
C'est un mouvement qui regroupe 4 techniques de base du Tai Ji Quan que l'on retrouve sous le nom de "4 portes" ou "4 potentiels" : Peng (parer), Lü (tirer ou rouler vers l'arrière), Ji (presser), An (pousser). Vous m'en direz tant! C'est quoi ces potentiels?
Peng: sert à parer, à se protéger, sert à pousser aussi: il est "expansif". C'est l'idée du ballon qui grâce à son élasticité reste solide et "plein", même si on appuie dessus pour le comprimer. Lü: sert à tirer, à emmener le partenaire jusqu'à sa limite d'équilibre, à le déraciner: il est "attractif" et relativement passif, puisque on ne fait que poursuivre le mouvement initié par le partenaire qui avance vers vous et le prolonger. Ji: se fait à deux mains, il est proche de Peng, il sert à propulser le partenaire: on ajoute à "l'expansif" de Peng, l'"impulsif", et la main en "Peng" se voit renforcée par l'autre main pour une plus grande efficacité. An: absorbe et utilise les paumes, (poing ou pied) pour pousser et déraciner le partenaire.
Peng, Lü, Ji, An correspondent aux points cardinaux (sur ces points cardinaux, les attributions sont fluctuantes... de quoi y perdre le nord, son latin et le peu de chinois que l’on connait!
En ce qui concerne Xiao Long, il reste fidèle à l'enseignement de son Maître:
Peng au sud, Lü à l'ouest, Ji à l'est et An au nord.
On appelle ces 4 techniques Si Zheng (4 directions).
Comme ce mouvement, "saisir la queue de l'oiseau", comprend les principes fondamentaux du Tai Ji Quan, certains le surnomment "Le petit Tai Ji".
Bien, mais ce n’est pas tout ça! Dans le 8 mouvements, qu'en est-il de cette queue d'oiseau?
Nous allons la saisir d'abord à droite, puis à gauche. Une fois les coups de pieds finis, les mains se replacent autour du "ballon", main gauche en haut, puis on déroule, comme pour Ye Ma Fen Zong, mais la main devant se place à l'horizontale (et non en diagonale), puisque l'on "pare". Et PENG!
Puis la taille pivote légèrement, les mains se placent pour "tirer" en Lü. On tire en diagonale, vers le côté, pas de face, sans quoi votre partenaire, s'il était là, vous écraserait les pieds, et ce n'est pas agréable du tout!
Puis on se replace de face, les mains se rejoignent et se positionnent pour le Ji. On part du principe que l'on "presse" à sa hauteur (nos "adversaires fictifs" ne sont jamais plus grands - ni plus petits - que nous: cela nous permet de conserver les coudes et les épaules relâchées).
Enfin, après avoir absorbé, les mains se préparent à pousser). Et voilà, le moineau est bien attrapé à droite, il n'y a plus qu'à s'occuper de celui de gauche!
Je vous rappelle que le 8 mouvements en comprend insidieusement 10. Nous sommes près de la fin, mais il faut attendre encore un peu pour pouvoir "fermer". Mais, bon, nous ne sommes pas pressés puisque nous pratiquons le Tai Ji Quan!
Mouvement 9
Ayant "saisi la queue de l'oiseau" avec maestria, il nous faut à présent "croiser les mains" (Shi Zi Shou)...
Nous sommes en Gong Bu (pas de l'archer) sur la gauche, les 2 mains devant nous et jusque là, tout va bien ...
Prenons le mal à la racine: les pieds!
Le pied gauche se "ferme" et se replace perpendiculairement à l'axe de déplacement (pour ceux qui auraient déjà perdu le nord, face au miroir... euh... pour ceux qui pratiquent, ouverture face au miroir... Si vous n’avez pas de miroir, alors… on est mal… Ah! le manque de repères...).
Puis le pied droit "s'ouvre" vers la droite afin de pouvoir confortablement faire passer le poids du corps vers la droite. Le pied droit se "ferme" ensuite (face au dit "miroir"), on porte le poids sur le pied gauche, on prend appui sur l'intérieur du pied droit pour le rapprocher du pied gauche avec fluidité, légèreté (et non pas en criant "Han" comme la dynastie du même nom et en forçant sur le dos pour ramener son pied!!!).
Et nous voilà face au "miroir", pieds parallèles avec nos « mains en dix ».
Et les mains? Je vous dirais volontiers qu'elles suivent les pieds. Mais encore? Dans le mouvement "fermer pied gauche, ouvrir pied droit", la main gauche reste en place, la main droite suit la trajectoire et va vers la droite à l'horizontale, on se retrouve donc bras écartés.
Les mains vont se rejoindre lorsque les pieds se rapprochent dans un mouvement de "jardinier qui ramasse les feuilles en automne, mais qui ne pique pas du nez pour ce faire" (appellation non contrôlée mais brevetée Xiao Long...).
Enfin, les mains sont croisées, main droite à l'extérieur, devant la poitrine alors que les pieds sont parallèles.
Ce mouvement est aussi nommé "mains en dix", car le caractère + (Shi) signifie 10 ! Pour indiquer avec les doigts le nombre 10, on croise les 2 index l'un sur l'autre.
Il faut veiller donc à ne pas "piquer du nez" lorsqu'on "ramasse" les feuilles! Le dos reste vertical, il n'est pas utile de toucher le sol avec les mains. On descend jusque là où nos jambes nous descendent... C'est à elles de faire le travail, pas au dos!
Mouvement 10
Il faut bien s'y résoudre: c'est l'heure de la fermeture... retour au calme.
On avait bien nos mains croisées devant nous et voilà, c'est "Shou Shi". Les paumes des mains qui étaient vers nous se retournent doucement pour regarder le sol (la main droite est dessous), on écarte les mains lentement, largeur des épaules, on baisse les mains et on "remonte": les jambes retrouvent leur position naturelle... une fois les mains posées sur les jambes, on les fait glisser sur les côtés pour retrouver la position de départ alors qu'en même temps, on rapproche les pieds. C'est fini!!!
Ainsi tout finit là où tout a commencé.
Les formes finissent toujours là où elles ont commencé: du vide (pied joints, bras le long du corps) nait le mouvement et dès le départ, l'alternance Yin-Yang est partout, dans les appuis (on passe de la droite à la gauche, de l'avant à l'arrière, du plein au vide...), dans les mouvements de la taille, des bras, (en haut, bas, droite, gauche, avant, arrière...).
Cette alternance est continue, sans cassure, jusqu'à la fin, où le mouvement s'arrête, où l'on revient au repos, où il ne se passe plus rien. C'est l'image de la vie dans un enchainement...
Quand je vous dis qu’on peut la faire partout !!! Même entre deux rochers dans le sable humide et avec lunettes de soleil : rien n’arrête le pratiquant de Tai Ji Quan !
Allez, on chinoise un peu ....
Leçon de chinois du week-end:BA SHI = 8 mouvements
La colonne 1 vous donne une idée de la prononciation des nombres.
La colonne 2 est la transcription pinyin mais sans les jolis petits tons dont nous devrons nous passer....
La colonne 3 donne la prononciation approximative du pinyin (qui, il faut bien l'avouer, ne nous aide pas toujours beaucoup....
On parle beaucoup de gymnastique chinoise, de Qi Gong, de Tai Ji Quan pour atteindre la sérénité…
😴
La « zénitude » est dans l’air du temps et devient un peu (trop ?) un phénomène de mode. D’autant plus que de trop nombreuses personnes pensent – à tort- que la sérénité vient naturellement, comme ça, en claquant des doigts- et – donc, sont très déçues de s’apercevoir que cette détente ne soit pas forcément synonyme de « s’allonger au sol » et ronfloter (mais pour cela, il y a la sieste, ne l’oublions pas !)
Mais il ne faut pas jeter bébé avec l’eau du bain… (Et d’ailleurs, gardez l’eau aussi, elle est précieuse…)
Il n’y a que du bon à prendre dans le Qi Gong comme dans le Tai Ji Quan, à condition de savoir à quoi s’attendre.
Se défaire des préjugés :
Qi Gong, Tai Ji Quan : deux termes qui apportent dans leurs bagages un gros paquet d’idées préconçues !
Combien de fois m’a-t-on demandé si les tapis de sol étaient prêtés ? S’il fallait apporter son coussin ? Sa couverture ? Combien de fois ai-je rencontré des personnes qui avaient déjà « pratiqué » et ne savaient pas finalement ce qu’elles pratiquaient parce que là où elles étaient régnait un joyeux mélange de relaxation/méditation/ pseudo qi gong, genre de Tai Ji Quan/voire stretching pseudo Yoga ?
🤔
Combien de fois ai-je dû expliquer que nos disciplines ne sont pas des thérapies…
Et c’est pour cela qu’il faut arrêter de parler de « Qi Gong santé » de Tai Ji Quan santé », toute activité physique correctement pratiquée est « de santé ».
Cultiver le calme, la lenteur :
La lenteur permet de rompre avec le rythme habituel, de s’apaiser. Le moment de pratique doit être une bulle confortable dans un quotidien où l’on court trop souvent après la montre (et où parfois, on finit par courir même quand ce n’est pas nécessaire !).
On peut se retrouver enfin. Dans cette lenteur, on perçoit mieux son corps et ses mouvements. On est calme et loin de tout. On est attentif. L’esprit se concentre et se libère.
J’entends de mauvais esprits (si, si, il y en a !) qui me disent : « L’esprit se libère ? La bonne blague, il faut penser au mouvement juste, à ses mains, ses pieds… son port de tête (alouette ?). »
Et Xiao Long réplique : « Et bien justement ! L’esprit se libère du quotidien et de toutes les pensées parasites puisqu’il est pris (porté aussi) par le mouvement ! »
Prendre conscience de sa propre existence :
On prend conscience de son corps, de sa respiration, des battements de son cœur, de soi. On se détourne un moment de l’extérieur et on se tourne vers l’intérieur.
Plus « zen »*, calme, on peut retrouver en nous ce qui est en sommeil, voir la vie différemment, apprécier ces instants, ouvrir son esprit.
Le plus souvent dans notre vie quotidienne, nous sommes absents à nous-mêmes : on est tourné vers les autres, vers le travail ou le divertissement et on s’oublie ».
* « zen » est un peu mis à toutes les sauces, mais l’image que dégage ce mot reste celle de la sérénité…
🌈
Faire circuler « l’énergie » harmonieusement dans tout le corps :
Ah ! La fameuse « Énergie vitale », elle fait couler beaucoup d’encre et de salive: les plus cartésiens, les plus sceptiques, diront qu’il s’agit là d’une vaste plaisanterie.
Mais, même sans accepter le concept d’énergie qui circule dans des méridiens (ce qui est le fondement de la médecine chinoise –qui après tout- notons-le- en a soigné plus d’un depuis quelques millénaires !), on sent bien que le corps se détend et chauffe, que la circulation sanguine est favorisée par ces mouvements.
Il n’est pas besoin de « croire » à l’énergie ou de se faire des nœuds au cerveau pour savoir ce qu’elle est ou ce qu’on est « censé » ressentir, il suffit d’apprécier le bien-être physique et mental qui découle des exercices.
Se préserver :
Tai Ji Quan et Qi Gong font partie d’une démarche de préservation de la santé : En Chine, cela est une évidence, il faut prévenir les maladies par l’activité physique, le repos de l’esprit.
Chez nous, le plus souvent, c’est lorsqu’on est malade que l’on découvre ces disciplines… (Mieux vaut tard que jamais !). C’est une fois que le corps est épuisé –ou l’esprit- que l’on se dit qu’il faut y remédier…
Il est clair que ces activités, Qi Gong et Tai Ji Quan, renforcent le terrain, revitalisent le corps : tout le corps travaille en douceur.
Beaucoup de kinés pratiquent et font pratiquer le Qi Gong à leurs patients, ces exercices globaux, moins pointus que ceux habituellement préconisés en kiné ciblent le corps dans son ensemble. Chacun peut faire les mouvements à son rythme et, gros avantage, on peut adapter le mouvement selon ses capacités. Il n’y a pas de but à atteindre, de performance à établir. On entretien, on progresse… Que du bonheur !
Cependant, il ne faut pas oublier que « Tout ce qui a été réparé n’est pas neuf ! » (Encore un proverbe qui pourrait être chinois !). Et donc, comme un vase cassé puis recollé, les points faibles, les blessures sont toujours là et il ne faut pas s’attendre à des miracles : nos disciplines ne sont pas là pour soigner !
Elles sont là pour prévenir, se connaitre mieux pour éviter de faire des bêtises en allant au-delà de nos limites.
« Tout pour un » :
Il est rare de pouvoir adapter une activité à ses possibilités physiques. Ici, on le peut :
Que l’on soit un « vrai » sportif, un « ancien » sportif (Ah, les traumatismes du sport !!!), un « pas du tout » sportif , que l’on soit très jeune, jeune, moins jeune, plus très jeune ou pas jeune du tout, il y a toujours une solution pour tirer parti de ces disciplines et en ressentir les bienfaits.
Cela ne demande QUE du temps et du travail.
Bref, encore une fois (et on ne le dira jamais assez !) à condition de ne pas s’attendre à des miracles (du genre : «Ouais, l’arnaque !!! J’ai fait deux heures de Qi Gong et je n’ai pas atteint le nirvana »), Tai Ji Quan et Qi Gong peuvent apporter beaucoup et maintenir en forme notre esprit et notre corps.
Il suffit d’un peu de patience, de bonne volonté, de travail régulier (Aïe ! Mince alors ! Ce n’était pas noté dans la pub !).
Bonne humeur et ouverture d’esprit ne feront pas de mal non plus… A bientôt ?
Si l'on ne veut pas finir tous sur les rotules, il faut apprendre à protéger ses genoux, ils le valent bien (pub!). Et comme pour les Chinois le premier signe de « vieillesse » est à chercher dans les genoux, il va falloir être attentif pour rester fringant.
Une des choses qui frappe toujours le débutant, c'est que pratiquer le Tai Ji Quan sollicite autant les jambes. On est toujours debout, genoux un peu, beaucoup ou passionnément fléchis et lorsqu'on en n'a pas l'habitude... on redécouvre l'existence de ses jambes!
🐼C’est à ce moment que vole en éclat le beau rêve d’activité « facile », cool, momolle et fondante : les muscles travaillent même si ça ne saute pas aux yeux !
Pour voyager longtemps dans le pays du Tai Ji Quan quelques règles de base doivent être respectées:
Le genou dans l'alignement du pied:
Le genou souffre s'il n'est pas à l'aplomb du pied, donc pas de genou dedans, pied dehors ou l'inverse, d'ailleurs ces positions sont très inconfortables et l'on doit sentir une tension anormale dans le genou s'il est mal positionné.
Le genou ne dépasse pas le pied:
Dans les déplacements, on opte pour un pas mesuré. Si le pas est trop court (pied posé trop près de soi) ou trop long (pied trop loin de soi), le genou ne sera pas placé correctement et le plus souvent dépassera le pied, ce qui signifie que je force sur le genou pour ramener le pied ou pour progresser.
C’est souvent dans un souci de trop bien faire que l’on laisse son genou partir au-delà du raisonnable…
Le genou a besoin d'une bonne racine:
Une bonne racine, on en parle souvent de la racine... Si le pied est bien posé, bien à plat, dans son intégralité, la racine est bonne et mon appui est équilibré, je ne forcerai donc pas trop sur le genou dans mes déplacements. Pour bien poser mon pied, je prends (racine?) le temps de dérouler doucement mon pied au sol.
Il ne faut pas oublier que « Tout ce qui est en haut dépend du bas » (proverbe faussement chinois… mais ça aurait pu !)
Si les pieds sont posés à la va vite (un comble pour un "taijiste" !!!) la cheville, le genou, la hanche… tout ce qui se trouve au dessus cherchera à compenser et ce n’est pas une bonne chose.
Le genou n'aime pas les jambes tendues:
Qui dit jambe tendue, dit articulation bloquée et ça les articulations, elles n'apprécient pas trop... En Tai Ji Quan, les articulations (toutes) ne sont jamais bloquées, car ces articulations sont des "barrages" énergétiques, et nous, nous voulons la faire circuler , l'énergie... alors les articulations restent souples! De plus des genoux souples vous aideront à garder un bon équilibre, ce qui n’est pas négligeable.
Et voilà, vous pouvez partir pour quelques décennies de pratique, C'est qu'on en parcourt des kilomètres au fil des années... Alors, prenez soin de vos genoux et ils vous le rendront bien!!!
Yang Chengfu (楊澄甫, 1883-1936), petit-fils de Yang Lu Chan (dont Xiao Long a déjà parlé) était un maître de Tai Ji Quan très célèbre.
Ce fut l'un des premiers à adapter la pratique aux évolutions de la société en proposant cet art à un grand public en tant que technique de santé. La pratique allait ainsi pouvoir sortir des familles et se répandre auprès du grand public...
Il est connu pour avoir "adouci" la forme qui lui venait de sa famille. Il établit la Da Jia, la "grande charpente", qui propose des mouvements et postures larges, simples, ouvertes, directes, tout en maintenant l'alignement du corps dans le mouvement.
La pratique devient alors accessible à tous, car chacun choisit le degré de difficulté et adapte sa "hauteur" de pratique à ses capacités physiques.
Tout est fluide, doux, précis, sans accélération. Sont supprimés les "explosions de force" (Fa Jing), les sauts. Les mouvements trop complexes sont simplifiés.
Il est le créateur de l'enchainement 108 mouvements (la forme 88 que nous connaissons est similaire à la forme 108 sans les répétitions).
Cet homme était donc très moderne pour son époque et permit une grande diffusion du Tai Ji Quan en Chine.
Bien sûr, les plus « puristes » diront que c’est le début de la fin, que la "martialité" est mise sous cloche et que cette façon de faire relève plus de la gymnastique que d’un art martial. Mais d’un autre côté c’est sans doute grâce à cette évolution que nous pouvons aujourd’hui pratiquer cette magnifique discipline, à laquelle nous n’aurions peut-être pas eu accès, si elle avait été réservée à une « élite » top forme/top niveau.
C’est la preuve, s'il en fallait une, que le Tai Ji Quan peut évoluer dans le respect des principes fondateurs...pour le bien du plus grand nombre.
D’ailleurs, il serait totalement illusoire de croire que les maitres eux-mêmes ne fassent que répéter et enseigner leurs formes qui resteraient identiques au fil des années : tous les maitres font évoluer leurs formes, tous les disciples/élèves de ces maitres, qui à leur tour enseignent font évoluer les techniques et ce n’est que logique : la vie change et évolue, la forme est une petite vie en miniature et elle aussi change et évolue.
Ce processus constant est fidèle à l’idée de mutation incluse dans le concept du yin/yang. Ce qui importe c’est de rester fidèle aux principes fondamentaux et de les respecter pour que le Tai Ji Quan reste le Tai Ji Quan et ne devienne pas autre chose.
Est-il vraiment nécessaire de "chinoiser" pour savoir quelle est LA Forme, La Vraie, la seule?
En réalité, peu importe, il n’y en a pas ! 85, 88, 103,108... Les styles sont nombreux, les écoles variées, les formes multiples, des longues, des courtes, des lentes, des rapides… Que l'on déroule une forme courte en 8 mouvements ou une forme plus longue, le principe fondamental est identique. Et c’est bien ça qui compte !
L'enchainement est un tout, un univers à lui tout seul, un petit monde parallèle, ici, maintenant et... hors du temps. Au début, il n'y a rien, puis il y a le mouvement, puis on revient à son point de départ et à la fin, il n'y a plus rien de nouveau. C'est un cercle parfait. C'est l'image d'une vie.
Un enchainement est un ensemble de mouvements qui n'en forment qu'un seul (Enfin, après quelques heures de vol tout de même!)
Chaque mouvement possède bien un début et une fin, une phase préparatoire et un aboutissement et pourtant ces mouvements sont si liés, si finement reliés les uns aux autres, comme les perles d'un collier sur un fil invisible... que l’on a l’impression qu’il n’y en a qu’un seul.
C'est toute une technique que d'enfiler des perles! Il y a l'art et la manière...
Pour que le collier soit beau, on ne peut mélanger les grosses perles aux petites:
Pour un enchainement harmonieux selon les principes de notre école, le pratiquant reste toujours au même niveau, pas de fonction "yoyo"(même si dans la vie, il y a des hauts et des bas, dans la forme règne une belle uniformité). Si les jambes ne sont pas encore assez solides, on ne descend pas trop bas pour pouvoir conserver le même fléchissement tout le temps de l'enchainement (ce qui permet aussi d’être relax et de ne pas avoir à se demander quand est-ce qu’on va pouvoir se « relever »).
Le fil du collier est bien rempli, on ne laisse pas d'espace entre les perles, on ne crée pas de vide entre chacun des mouvements, pas de coup d’arrêt intempestif, un mouvement se fond dans l'autre, dans la douceur de la transformation, on ne marque pas de coupure entre les différents mouvements. La respiration fait le lien. La circulation énergétique renforce le fil invisible qui maintient le tout.
Ce collier-là n'apprécie pas les perles multicolores, il préfère les nuances d'une même teinte, un rythme constant, homogène. Chaque perle est unique et se fond pourtant dans le tout.
Allez, on suit, on ne perd pas le fil... On ne roule pas sur les perles...
L'artisan est concentré sur son travail, donc il ne prend pas n'importe quelle perle tout en discutant avec son voisin de gauche ou en regardant ce que fait le voisin de droite (ou l'inverse, au choix...), son esprit est tout entier tourné vers son activité.
Et enfin, pour poser le fermoir, pas de précipitation, il n'y a pas d'urgence, on ne fait pas le nœud n’importe comment. On prend son temps jusqu'au bout!
Il est agréable de se détendre et de venir pratiquer à heures fixes une ou deux fois par semaine. Mais, le Tai Ji Quan, ce n’est pas seulement un loisir, ce n'est pas qu'une pratique ponctuelle, cela peut devenir un art de vivre différemment, et sans doute bien mieux. Car une de ses premières leçons, c’est de nous apprendre à prendre le temps : il faut être patient, tranquille et concentré pour apprendre une forme.
Prenez plus souvent le temps de vivre et d'observer autour de vous. Redécouvrez les choses sans importance qui donne au quotidien une autre dimension (troisième et quatrième?👽).
Le matin:
Il faut se lever, et ce moment est difficile pour certains! Prenez letemps d'ouvrir les yeux, de vous étirer comme le font les chats (qui eux sont par nature d'une zénitude parfaite!) et ne foncez pas les yeux encore fermés et les articulations endolories sur votre tasse de café!
Vos yeux ouverts peuvent même aller jusqu'à regarder par la fenêtre et regarder le jour se lever (lui aussi). Bon, c'est d'accord, en hiver il fait encore nuit quand on se met debout! Mais l'idée est prendre le temps de reprendre pied dans la (dure?)réalité.
Suggestion de Xiao Long: prévoir un poster dans la cuisine avec vue sur la nature!
Alors, je vous entends déjà, « Je n’ai pas le temps, je dois faire vite, m’occuper des enfants, aller au boulot, faire les courses, aller là ou là bas… ». Et les retraités super-occupés vont dire : « J’ai poterie à 10h, patchwork à 11h et puis après midi rando… » 🙄
C’est vrai que les journées sont remplies, mais… prendre cinq minutes rien que pour soi au lever va donner le ton à votre journée et peut-être vous aider à prendre les choses plus sereinement.
Les pausesde matinée, du midi ou d'après midi, peuvent être de vraies pauses si on choisit de se mettre un peu au calme pour faire quelques mouvements simples de Tai Ji Quan (n'apportez pas votre épée, ce sera plus discret...) ou si l'on prend un peu de temps pour soi, pour méditer tranquillement.
Cela demande un effort au début, il faut se mettre un peu à l'écart des autres parfois, rompre avec le rythme de la journée. Mais c'est justement cette cassure qui va nous permettre de nous "régénérer". C’est beaucoup plus reposant que de se laisser aller à des discussions sur la marche inexorable du monde (qui n’est plus ce qu’il était, ma brave dame !)
Le soir, il est important avant d'aller se coucher de décompresser, d'arrêter de penser à ce qui aurait pu être, à ce qu’on aurait dû faire ou dire, ou à ce qui sera. On est juste ici, maintenant. Il faut se poser intérieurement et physiquement.
Et pourquoi ne pas passer en revue les instants agréables de cette journée. Il y en a… il faut juste les retrouver et pour cela apprendre à apprécier les petits moments positifs.
Tout au long de la journée vous avez le choix entre vous énerver, vous laisser contrarier, exaspérer par un feu rouge, un piéton trop lent, un serveur occupé ailleurs, un collègue trop bavard, un travail inintéressant, une caissière inefficace... ou réagir positivement et vous dire que si vous explosez, rien n'ira plus vite ou mieux pour autant.
Et pour patienter, visualisez quelques mouvements de Tai Ji Quan. Concentrez vous sur le moment présent, calmez vos impatiences, res-pi-rez!
Pensez à cette maxime bouddhiste:
"Ne laissez pas les autres marcher dans votre esprit propre avec leurs pieds sales".
(Xiao Long n'est pas à cours de conseils, pourtant je l'ai déjà vu trrrès énervé! C'est sans doute l'exception, celle qui permet de confirmer la règle...)
Il est parfois étonnant dans le milieu des arts martiaux de voir à quel point certains s’écartent totalement des principes fondamentaux de « fonctionnement » des arts martiaux.
Loin de la sérénité, du respect mutuel, de l’ouverture d’esprit auxquels on pourrait s’attendre, on y retrouve des clans, des pour et des contres, des « ego » surdimensionnés, des intrigues de cour …
Xiao Long le déplore, cet état des lieux l’attriste sincèrement. Il aimerait bien que ces disciplines restent à l’écart de l’évolution générale et qu’au moins là, on puisse préserver quelques valeurs fondamentales… et il voudrait modestement rappeler les « vertus martiales » que nous devrions tenter de mettre en application : wǔ dé (武德)
武,wǔ c’est un caractère que nous connaissons bien, celui que l’on retrouve dans wǔ shù, arts martiaux.
德,dé c’est vertu / moralité mais aussi volonté / cœur (que l’on voit dans la partie inférieure du caractère) et c’est encore bonté / bienveillance
Ces notions sont très anciennes et bien sûr, elles peuvent paraitre « ringardes »… et pourtant …
C’est un état d’esprit qui est le socle de nos pratiques (enfin, qui devrait l’être…).
Trop souvent, les cours oublient les bases simples (le salut par exemple) comme si l’on était pressé de passer à l’action, au corps du cours.
En ce qui nous concerne, les 6 vertus martiales sont :
1– rén 仁 cœur et bienveillance
Avoir du cœur, être bon, savoir partager et savoir pardonner.
Aimer son école, sa pratique, ses enseignants, ses proches, ses « concurrents »…
2 – Yi ordre
意 ? comme jìng yì
C'est le respect implicite des règles : préséance et hiérarchie.
3 – Li politesse (Rites, attitudes, bienséance, étiquettes)
礼 ? comme lǐ mào
La politesse c’est savoir se comporter avec les autres, rester correct, afin de conserver des rapports humains harmonieux.
On peut exprimer un désaccord sans se mettre à hurler sur le premier qui passe… (plus difficile, mais ça se fait…)
4 – Zhi discernement
智 ? zhì sagesse
Rester maître de soi, faire la part des choses, du vrai et du faux, du bien et du … moins bien. Savoir tenir la place qui est la sienne.
5 – Xin honnêteté(sincérité, fidélité)
心 ?comme dān xīn
Dans le milieu des Arts Martiaux Chinois, les notions d'honnêteté et de loyauté sont très importantes.
Une parole donnée se respecte, un engagement se respecte…
6 – Yong courage
勇 comme yǒng qì
Venir en aide, lutter pour défendre une cause juste, c’est une forme de courage, en respectant les notions qui précèdent…
Il est aujourd’hui encore nécessaire de les connaitre et de les suivre en les adaptant à notre « monde ». Dans tous les cas tenter d’appliquer ces principes ne peut pas nuire.
Le respect des autres est une valeur sûre, la cohérence entre nos paroles et nos actes aussi, la mise en sourdine de l’ego est nécessaire (et comme le disait la grand-mère du Petit Dragon : « On finira tous au même endroit », donc pas la peine de se pousser du col !).
La vie est courte, la « gloire » éphémère et relative :
« Derrière la montagne, il y a une autre montagne ».
Ce n’est pas souvent, mais de temps à autre Xiao Long est très sérieux…
On a coutume de classer les arts martiaux chinois en catégories (nous aimons bien toujours tout mettre dans des cases…) : les arts externes, les arts internes, les arts énergétiques. Le Qi gong est « énergétique ». Le Tai ji quan est « interne ». Le Kung fu est « externe ».
Le Qi gong serait donc purement énergétique .point/barre.
On aide la circulation d’énergie, on dirige l’énergie, on concentre l’énergie… Oui !
Mais… et le Qi gong de la « chemise de fer » alors ? C’est bien un travail sur la concentration d’énergie, sur la maitrise du souffle, mais à visée martiale… non ? Quelle idée aussi, ce moines qui se cassent une barre de fer sur la tête ou réduisent en miettes des briquettes !
Et il est des maitres de Qi Gong qui démontrent des applications martiales fondées sur l’enchainement appris.
Bref, il existe un travail énergétique qui vise l'efficacité en combat.
Le Kung fu serait donc purement externe ?
Il faut savoir que le terme Kung fu (Gong fu) signifie « avoir la maîtrise dans un domaine quel qu’il soit ». Par exemple, le Gong fu cha est l’art du thé (et on ne casse pas les tasses siouplé !). Ce terme n’est donc pas très précis.
Dans les arts externes la pratique est plus axée sur le développement physique, la rapidité, l’efficacité… On ne peut pas dire cependant que l’externe ne travaille pas sur le souffle, l’énergie interne.
Bref, il existe un travail énergétique qui vise l'efficacité en combat (ah, tiens, j’ai déjà dit ça !)
Le Tai ji quan serait donc purement interne ?
On classe dans les arts internes les disciplines plutôt centrées sur le développement du souffle, sur les aspects mentaux, spirituels et le travail sur l’énergie.
Le Tai ji quan est de ceux là et se caractérise par la lenteur de ses déplacements (même si, dans certaines écoles, il existe des formes rapides).
Ce travail dans la lenteur ne signifie pas pour autant que les mouvements soient vides de sens. Juste « jolis ». Nous ne sommes donc pas juste tout seul à faire des ronds dans l’air… Il y a plus ! Il y a un but à ces gestes et cette finalité est martiale.
Et le travail avec partenaire est incontournable dans cet art que ce soit par le biais du Tui shou , Dui lian ou des applications.
On ne peut pas nier non plus qu’il y ait un réel travail énergétique dans la pratique du Tai ji quan. Il y a un travail sur le souffle, sur les souffles.
Il y a un travail sur le mental, sur le lien qui nous unit à la nature. Un vrai travail interne pour retrouver notre calme, notre équilibre et notre place.
Bref, comme toujours, tout est à l’image du symbole yin yang où l’on peut voir dans le yang un petit point yin et dans le yin un petit point yang.
On ne peut pas simplement ouvrir un tiroir « externe = baston », « interne = danse »,« énergétique = bien-être ! Tout est présent partout mais à des degrés différents.
Pour Xiao Long, l’énergétique est le socle, le fondement de nos disciplines. Kung fu, Tai ji quan, Qi gong ne s’opposent pas mais se complètent. C’est juste que l’aspect martial est plus visible en Kungfu, l’aspect énergétique est plus visible en Qi gong, l’aspect interne plus visible en Tai ji quan.
Et le but est identique : maitrise du corps dans l’espace, maitrise du souffle, maitrise de l’esprit…
Nous ne sommes pas habitués à considérer le corps et l’esprit comme une entité.
Pour nous, il y a surtout d’un côté l’esprit (au sens de « facultés intellectuelles ») et de l’autre côté (accessoirement) le corps. L’esprit joue un grand rôle dans notre civilisation. On le cultive, on le bichonne, on essaye de l’ouvrir, on y amasse des connaissances...
On a l’impression qu’il peut tout contrôler, qu’il règne en maitre et cela nous rassure. Il est capable de tout ranger dans des petites cases, rien ne traine au hasard, rien ne déborde, tout est aligné. Cet immatériel classe tout le matériel, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles… L’esprit fonctionne en permanence, absorbe les informations, les transforme, développe des idées, les rumine.
Le corps occupe une curieuse position ! D’accord, on s’en occupe aussi, : on le fait bouger pour qu’il soit beau ( enfin, il parait !) , on le masse, on le « nourrit » de régimes pour qu’il soit beau, on le crème pour qu’il soit beau, on le lifte et on le maltraite aussi (!) pour qu’il soit beau. Bref, on s’en occupe… en surface, c’est tout ce qu’il mérite : un peu de polish sur la carrosserie… Il est tout propre et il brille ! C’est sans doute une caractéristique de notre époque : seule la surface compte et peut importe ce qui se dissimule dessous.
Alors parfois, il se rappelle à nous, nous fait souffrir, et là on se dit que peut-être on devrait soulever le capot et « regarder » un peu à l’intérieur… Comme pour les voitures, plus on avance, plus les bougies s’encrassent - et les souffler chaque année n’arrange rien – Alors, on conduit sa voiture au garage-médecin et hop ! En deux coups de clé anglaise et un petit coup de marteau (bambou aussi des fois !), on est remis sur nos roues… pour quelques temps seulement… car le plus souvent ce n’est pas du matériel qu’il faudrait s’occuper, mais de l’immatériel…pas des symptômes mais de l’origine.
Dans certaines philosophies comme le bouddhisme par exemple, corps et esprit sont d’emblée présentés interdépendants. L’individu est dans cette optique un ensemble d’agrégats impermanents : le corps, les sensations, les perceptions, la conscience et l’intention. L’esprit ne se « délie » du corps qu’une fois le nirvana atteint… (Mais bon, ce n’est pas tout le monde et ce n’est pas tout les jours…)
Pourtant, on sait bien entre-temps combien le mental joue un rôle sur la santé, sur le corps. Et on sait que lorsque le corps éprouve du bien-être, l’esprit se détend et se calme. Et que lorsque l’esprit est tranquille et équilibré, le corps se sent mieux. Mais, pris au milieu de la tourmente des jours qui se succèdent et apportent leurs quotas de problèmes, on oublie un peu l’essentiel. On oublie que tout est lié.
Heureusement, le Tai Ji Quan, le Qi Gong sont là ! (bon, pas que, la méditation aussi, mais c’était notre pause publicitaire…).
Grâce à ces pratiques, nous pouvons redécouvrir notre corps-esprit, apprendre à le mouvoir harmonieusement dans l’espace, à le laisser libre de ressentir ce qui l’entoure, ce qui le constitue. La respiration retrouve (aussi – enfin) sa place et fait le lien entre les deux pôles : on est calme, en prise directe avec « l’ici maintenant - et le reste attendra »…
Mais ces belles choses ont un prix : le travail. Que ce soit la méditation, le Tai Ji Quan, le Qi Gong, il ne faut pas croire que deux ou trois séances vont apporter de grands bienfaits , c’est la répétition, l’état d’esprit ( ?!) qui comptent : ne rien attendre à date fixe et se laisser porter…
(On croit que les chats dorment, non, détrompez vous, ils méditent et s’entrainent de nombreuses heures par jour !)
Je vous livre le proverbe chinois préféré de Xiao Long :
« Le corps parcourt l’espace et l’esprit se libère. »
Ce blog est a but non commercial, non lucratif. Il délivre des informations et des commentaires techniques et culturels pour les pratiquants de Tai Ji Quan et de Qi Gong ainsi que pour tous ceux qui s’intéressent à la culture asiatique.
Si vous voulez pratiquer le Tai Ji Quan ou le Qi Gong, allez sur le site de l'association Feng yu Long où vous trouverez toutes les informations nécessaires.