Les formes 8 et 16 ne sont en réalité qu’apéritif et mise en bouche.
Ces formes sont « pédagogiques », donc crées pour faciliter l’apprentissage (et il est vrai qu’il est gratifiant de se dire que l’on peut faire une forme en « entier », tout seul, comme un grand, sans avoir besoin de beaucoup de place ou de temps… ).
Les maitres, dont Yang Chen Fu et Wu Jian Quan ont participé sans problème à cette mise en place. Tout comme la famille Chen ou Yang Lu Chan qui avaient adapté en leur temps leur art pour enseigner aux Empereurs, les Maitres des années cinquante s’adaptent aux changements sociaux culturels… Le changement est inéluctable et cette idée imprègne toute la philosophie chinoise.
Une naissance difficile :
La forme 24 est la forme de base, passe partout. Largement diffusée, cette forme est sans doute la plus pratiquée.
Elle reçoit aussi l’appellation contrôlée « Forme de Pékin » ou « Petite Forme » -par opposition à la forme longue (108).
Se sont retrouvés une première fois Chen fa Ke (style Chen) Wu Tu Nan (style Wu) Li Tian Ji (style Sun) Gao Rui Zhou (style Li) Tian Zhen Feng et Zhang Wen Guang (style Yang)… ainsi que l’historien Tang Hao. La forme qui sortit de leurs réflexions s’avéra trop compliquée !
Un nouveau groupe d’experts dont Tang Hao et Li Tian Ji se retrouve en 1956 au sein de la Commission Chinoise des Sports : leur mission (elle n’était pas impossible cette fois et ils l’ont acceptée) était de simplifier la forme Yang « longue », 108 mouvements.
Il en ressortit cette fois une forme de 24 mouvements tout à fait « praticable ». Elle n’est donc pas très ancienne !
Un peu d’histoire…
Le gouvernement, qui depuis 1953 avait dans l’idée de promouvoir le Wushu, souhaitait rendre populaire une forme courte, accessible à tous qui serait introduite dans l’éducation.
Ce n’est donc pas un hasard mais une volonté : La Chine des années cinquante a besoin de faire oublier les écoles ésotériques et sectes secrètes d’arts martiaux de l’époque précédente. Elle désire gommer les marques de spiritualités trop envahissantes. Pourtant, dans le souci de se démarquer de l’Occident, elle doit renouer avec une tradition typiquement chinoise et cherche ce qui dans la mémoire populaire fait l’identité de ce vaste territoire. Médecine chinoise, Qi Gong et Tai Ji Quan en font partie, mais trop estampillés « taoïstes ». Trop élitistes aussi à cause de leur complexité, et… voilà qui va complètement à rebours d’une politique où l’on souhaite que tout le peuple puisse accéder à ces disciplines.
Pourquoi 24 mouvements ?
Il fallait une forme facile et dépourvue de signe (extérieur) de « combativité » : une forme sage. Enseignée à tous, elle supplantait les autres formes existantes (survivantes ?)
Une forme qui ne dure pas plus de 10 minutes pour que cela n’empiète pas trop sur le temps de travail, car cette forme était pratiquée par tous, collectivement dans l’entreprise : on entretenait sa santé et créait en même temps un esprit « de groupe ».
« Forme de Pékin, ça ne vaut rien » !
Restons zen!! Le raccourci est un peu saisissant, mais c’est une idée qui court… Pour les « durs de durs », les « vrais de vrais » (si, si, il y en a)!, qui d’ailleurs souvent ne connaissent que la forme « ancienne », ou « longue », ce bricolage de forme est sans valeur. On peut le concevoir, si on est attaché aux seules origines (quoique, elles sont bien lointaines… est-on bien sûr que l’on pratiquait ainsi ?).
Mais tout n’est-il pas que changement ? (mauvais esprit ce dragon Xiao Long !).
La forme 24 est « simplifiée », édulcorée, bref, c’est une forme light… Comme toute forme, elle apporte au corps et à l’esprit des bienfaits certains. Les enseignements techniques sont là aussi. Alors que lui reproche-t-on ?
De ne pas être assez vieille ? (Ah, les jeunes, on leur en veut toujours !).
De ne pas porter le tampon d’UN seul Maitre ? (Ben voilà, le travail de groupe est dénigré !).
D’être trop courte ? (Allez, soyons de mauvaise foi jusqu’au bout : on peut faire trois ou quatre fois la 24 sans s’arrêter et paf ! en voilà une de forme longue…).
D’être une forme « gouvernementale » ? Elle a quand même eu le mérite de rendre accessible au plus grand nombre le Tai Ji Quan… y compris à nous, Occidentaux qui ne sommes pas forcément du genre à prévoir un plan quinquennal pour apprendre une forme longue…
Bref, Xiao Long en est persuadée, cette forme a ses mérites et son intérêt, tout comme d’autres formes plus courtes ou plus longues, en fonction de ce que l’on recherche dans le Tai Ji Quan, en fonction du temps que l’on a à accorder à notre pratique, en fonction de nos états d’âme, de notre santé… Il n’y a pas de bonne forme, de mauvaise forme…
Il n’y a donc pas de « jugement » de valeur à porter, il n’y a qu’à pratiquer … C’est ça l’important !