Une question revient régulièrement: que faut-il regarder lorsqu'on pratique? Doit-on fixer ses mains? Regarder les autres? Ou au contraire les ignorer? Et si on est seul, sur quel élément l'attention se porte-t-elle?
L'expression "regarder ses mains" est traitre:
Si vous regardez vraiment vos mains et que vous enchainez 4 ou 5 nuages... votre tête ira rejoindre vos mains et votre esprit deviendra "nébuleux"... On finit par avoir le tournis! En réalité, il s'agit plutôt de suivre le mouvement des mains, le regard suit la trajectoire de la main et se place au dessus de la main, (donc plus loin que la main!). Cette stratégie permet non seulement de garder l'équilibre (ce qui est toujours appréciable...), de se prémunir contre un strabisme convergeant (!), mais aussi plus sérieusement, de conserver un regard plus horizontal (en évitant de piquer du nez et de baisser la tête lorsque la main descend!)
Suivre ses mains ne signifie pas que notre champ visuel se limite à notre petite personne. On voit ce qui se passe autour de nous. On voit sans regarder. On est conscient des déplacements autour de soi, on prend en compte l'information, mais on ne focalise pas son attention dessus.
Si on pratique en groupe, il est évident qu'il faut gérer son espace et son rythme si on veut éviter de se retrouver nez à nez avec ses suiveurs: on ne peut pas se contenter de rester "dans sa bulle" et d'ignorer le reste du monde. Mais l'attention ne doit pas être UNIQUEMENT tournée vers les autres et ce qui se passe à l'extérieur. Si je focalise sur mon entourage, je me déconcentre, je perds le fil...
Mon regard est dedans ET dehors, il est tourné vers l'extérieur ET vers l'intérieur. Pour cette raison, le regard n'est pas vide: il ne s'agit pas d'être concentré au point que plus rien n'existe et que l'on ferme toutes les portes, tous les volets pour se replier entièrement sur soi. Il ne s'agit pas d'atteindre une sorte d'état second, "nirvanique", d'extrême béatitude ( pour les amateurs, il y a la méditation...).
La tentation est plus grande lorsqu'on est seul et que l'on n'a pas à se soucier de l'espace disponible, que l'on peut aller à son rythme naturel...
Le pratiquant doit rester "vigilant" (comme l'exprime si bien un Maitre que beaucoup d'entre vous connaissent!), il ne dort que d'un oeil, comme le chat. Il reste ancré dans le réel.
Pour le regard comme pour le reste, on recherche une forme d'équilibre, dedans et dehors, serein et vivant...
Ce thème est bien loin d'être épuisé, il faudra y revenir...