L’échauffement “physique” est une nécessité évidente avant de se mettre à un enchainement. Il n’est cependant pas suffisant, car il faut aussi « échauffer » l’esprit, le mettre en condition pour une meilleure pratique. Une sorte de sas de décompression s’avère nécessaire pour apprendre à laisser le monde tourner au dehors et se re-centrer, se reporter au-dedans.
Les » poèmes » de Me ZHANG Guan De se récitent systématiquement en préparation puis en ouverture de forme. Nous pouvons quel que soit notre « style » les utiliser ou nous en inspirer pour placer le corps et calmer l’esprit.
Avant de commencer un enchainement et après s’être convenablement échauffé –bien sûr- on récite d’abord mentalement le poème suivant :
(En version originale, ou bien juste les sous-titres… au choix !):
BIN BU ZHAN LI
DEBOUT, PIEDS JOINTS,
SHEN ZHONG ZHENG
LE CORPS EST DROIT ET CENTRE
QI SHEN DAN TIAN
L’ENERGIE EST AU DAN TIAN
TI FAN SONG
LE CORPS EST DETENDU, RELACHE
SHE DI SHANG ER
LA LANGUE APPUYEE EN HAUT
TONG DU REN
LA CIRCULATION S’ETABLIT DANS DU(MAI) ET REN (MAI)
JING SHEN NEI SHOU
GARDER L’ESSENCE ET L’ESPRIT AU-DEDANS
Quelques précisions :
REN et DU sont les deux vaisseaux conception (Ren Mai) et gouverneur (Du Mai). La langue, en se plaçant en contact avec le palais, permet de les connecter et l’énergie peut alors circuler librement. La communication est établie.
Ce poème permet de passer en revue les points importants avant toute pratique. C’est une sorte de rappel pour prendre une position de corps correcte et pour orienter déjà l’esprit vers la concentration.
Après cette poésie préparatoire, on récite un second poème. Ce poème d’ouverture donne la clé de la réussite : un cœur calme, un esprit clair… Un avant-goût de la détente que procurera la pratique.
YE LAN REN JING
LA NUIT TOMBE, SILENCE,
WAN LU PAO
OUBLIE LES 10.000 SOUCIS DE LA VIE
YI SHOU DAN TIAN
L’ESPRIT EST AU DANTIAN
FENG QI QIAO
LES 7 ORIFICES DU VISAGE SONT CLOS
HU XI XU HUAN
LA RESPIRATION SE CALME
DA QUE QIAO
LE PONT DE PIES EST DRESSE
SHEN QING RU YAN
LE CORPS S’ALLEGE ET S’ENVOLE
PIAO YUN XIAO
COMME L’HIRONDELLE VOLE VERS LES NUAGES
Quelques précisions :
Les 10 000 soucis : Il n’y en a pas sans doute 10 000, quoique… Les Chinois utilisent ce nombre pour indiquer la multitude.
Les 7 orifices du visage : les 2 yeux, les 2 oreilles, les 2 narines et la bouche sont « clos », on reste à l’intérieur, on ne voit plus l’extérieur, on n’entend plus rien, aucune odeur (!) ne nous dérange, la bouche est fermée. La concentration n’est possible que si l’extérieur ne nous perturbe pas, où que nous soyons, quoiqu’il se passe autour de nous. Il n’est pas facile tous les jours de trouver un havre de paix pour pratiquer, mais le bruit des voitures, du cours de salsa à côté ou la télé du voisin dur de la feuille ne doit pas nous empêcher de nous détendre, même s’il est bien plus facile de se concentrer, seul, au sommet d’une montagne isolée et silencieuse…
Le pont de pies : Cela signifie que la langue est en contact avec le palais, derrière les dents. Cette image fait référence à une légende chinoise célèbre, celle du Bouvier et de la Tisserande. Il en existe bien sûr différentes versions, mais en substance :
Un bouvier rencontre une fée tisserande, en tombe amoureux, l’épouse… Ils ont bientôt deux enfants. L’Empereur de Jade se fâche tout rouge : une fée n’épouse pas un bouvier ! et il fait enlever la tisserande qui retrouve le Ciel, abandonnant son époux sur terre. Le couple séparé est désespéré. Ému, L’Empereur décide finalement qu’ils seront autorisés à se revoir chaque année, le 7ème jour du 7ème mois lunaire. Chaque année donc à cette date, des pies arrivent en nombre et forment un pont reliant les deux rives du Ciel et de la Terre, afin qu’ils puissent se rejoindre.
Allez, au travail, on apprend par cœur sa petite poésie pour s’envoler comme l’hirondelle vers les lointains nuages…