Qui sait si ce proverbe ne nous vient pas finalement de Chine?
En Tai Ji Quan on ne va jamais assez lentement. C'est la règle n°1.
Pensez à/sentez ce que votre corps est en train de faire, ne laissez pas votre esprit errer, oubliez ce que votre corps a fait, n'anticipez pas sur ce qu'il va faire. Prenez le temps de ressentir ce que vous faites. Profitez...
Cette lenteur permet un meilleur contrôle du corps, de l'équilibre, on prend le temps de poser le pied, de dérouler le pied avant de prendre appui sur le pied... tranquille.
"Tout est dans les pieds" (proverbe de Xiao Long!), ils doivent être posés au bon endroit, au bon moment et recevoir le poids du corps ou au contraire s'alléger au bon moment: ils sont nos racines. Et si les racines ne sont pas bien ancrées dans le sol... Aïe! (ou paf!)
On ne force pas, on est détendu.
Observez-vous de haut en bas (essayez maintenant, en lisant cet article...): la mâchoire est-elle crispée? La nuque est-elle relâchée? Pourquoi vos épaules sont-elles si proches de vos oreilles? Les doigts sont-ils naturels ou bloqués? Bon, c'est vrai qu'il n'est pas toujours facile d'être l'image même de la « zénitude » quand on apprend un enchaînement: les neurones travaillent dur et la fumée sort parfois des oreilles! Mais dès que l'on tient le mouvement, il faut se laisser aller en gardant à l’esprit qu’il n’y a aucune recherche de performance.
D'un autre côté, il ne faut pas non plus se ramollir complètement!
Xiao Long a écouté son maitre et, comme lu, dit toujours que le Tai ji quan, c'est la version économique, le « diesel » des arts martiaux chinois: on travaille avec le minimum de tonus, juste ce qu'il faut pour que le mouvement ait un contenu. Ce n'est pas du café lyophilisé pas besoin d'en rajouter pour donner du goût! Ce n’est pas du déca, ni un double expresso… mais un bon café bien équilibré.
L'intention n'est pas dans la raideur. Notre quête, c'est la force tranquille... l'interne...
L'esprit est calme, la respiration est calme, le mouvement est lent, le Qi circule harmonieusement dans tout le corps...
On le sait, le Tai Ji Quan n’est pas une activité speedante ! Les affairés et autres fourmis pressées d’engranger et d’arriver au but ne peuvent qu’en être déçus.
Si je vous dis donc, qu’il faut savoir prendre le temps de s’asseoir en exécutant votre forme, vous n’en serez aucunement étonné ! Mais attention, il ne s’agit pas de faire une pause (bien méritée pourtant, je n’en doute pas !), de prendre un siège confortable et de siroter un bon petit thé en dégustant de bons petits gâteaux…
Non, nous sommes dans l’action pure : il faut s’asseoir… en avançant.
Ici, on s’assoit –sans chaise- dans le vide… ce qui nous permet d’avoir le dos plus droit, les genoux plus souples, donc une meilleure amplitude de mouvement. La colonne vertébrale se redresse, le bassin se place de façon que les tensions dorsolombaire soient réduites et que les lordoses (lombaire et cervicale) s’adoucissent.
On cherche à gommer les cambrures mais en finesse, sans rétroversion complète du bassin. La tête « colle » au ciel, le coccyx « colle » à la terre.
S’asseoir, c’est s’ancrer et c’est un « ralentisseur », car c’est grâce à la lenteur que l’on peut passer par cette posture.
Si on prend le temps de passer par (pas d’y rester une heure non plus, ce serait casser la fluidité du déplacement) cette étape, la respiration, les mouvements deviennent plus amples, plus lents encore, la coordination haut/bas est meilleure. On a toujours tendance à se projeter en avant un peu trop « vite » et à oublier que notre corps « ballon » oscille entre deux pôles, comme si un élastique nous tirait vers l’arrière, alors qu’un autre nous amène en avant.
Être assis : c’est un « stabilisateur », comme les petites roues des vélos pour les enfants ! Voilà un bon moyen de gagner des points en équilibre, en particulier dans les postures de « la grue » (qui du même coup peut se permettre de déployer ses ailes en toute sérénité), du « pipa » ou du « repousser de singe » (moins malheureux d’avoir à reculer sans rétroviseur).
Bref... il n’y a que des avantages à évoluer en lenteur et à prendre le temps de s’asseoir, position du corps plus agréable, rythme tranquille, coordination plus fine, meilleur équilibre... En prime, cela renforce la musculature de nos petites jambes…
Personne ne dit que cela est facile. Mais pour vous récompenser de ces efforts, vous pourrez toujours vous laisser tomber dans un bon vieux canapé moelleux au retour de votre pratique !